
La politique des visas
de Juliette Dupont
Editeur : EDITIONS DU CROQUANT
Date de parution : 6-/-0/2025
9782365124294
Disponible - 20.00 €
Résumé
1. Présentation de l’ouvrage Pour visiter la France, première destination touristique mondiale, les ressortissants de plus de cent pays doivent préalablement obtenir une autorisation de voyage délivrée par les consulats français à l’étranger : le visa court séjour, communément appelé visa Schengen. L’Algérie et la Chine font partie de la liste, négociée à Bruxelles, des nationalités soumises à cette obligation de visa. En 2019, plus de 95% des visas demandés en Chine ont été délivrés par les consulats français, tandis qu’en Algérie, près d’un dossier sur deux a été refusé. Partant d’un tel écart, cet ouvrage interroge le visa touristique comme le vecteur d’une mobilité internationale à plusieurs vitesses, tantôt privilégiée, tantôt entravée. À la lumière d’une enquête de plusieurs années menée entre Paris, Bruxelles, Beijing et Alger, ce livre montre comment les politiques et pratiques de délivrance des visas à l’étranger fabriquent des inégalités globales, tout en façonnant les relations diplomatiques de la France avec les pays concernés par l’obligation de visa. À travers une analyse globale et engagée auprès des décideurs politiques européens et nationaux ; des administrations expatriées des visas et des demandeurs de visa de nationalité algérienne et chinoise, l’ouvrage livre une compréhension complète de cet instrument à la fois diplomatique et bureaucratique, qui dépasse parfois sa fonction initiale de « filtre » aux frontières. La comparaison de la délivrance des visas en Algérie et en Chine montre que les catégories de désirables et d’indésirables créées par les obligations de visa sont sans cesse réinterprétées par les bureaucrates sur le terrain, ainsi que par les usagers, en mesure de subvertir, à leur échelle, les procédures d’obtention de ce sésame. Remaniant en profondeur une thèse de science politique soutenue à l’Université de Montréal en avril 2022, ce livre présente trois originalités. Tout d’abord, le coeur de l’ouvrage repose sur la comparaison de deux contextes – l’Algérie et la Chine - rarement confrontés l’un à l’autre, encore moins à travers des enquêtes de terrain qualitatives et immersives. Au cours des différents chapitres, ces deux cas sont ainsi documentés en détail, avec des données empiriques inédites. Ensuite, cette recherche se distingue en mettant à jour, en particulier dans le cas de la Chine, un objectif inédit d’attractivité touristique adossé à la délivrance des visas, là où de nombreux travaux ont surtout souligné les logiques de soupçon et de répression exercées par les guichets de l’immigration. Enfin, ce livre propose de dépasser la dichotomie consistant à opposer d’un côté, les citoyens du Nord Global libres de se déplacer et de l’autre, ceux du Sud Global, immobilisés par les restrictions. Au contraire, il souligne l’existence de discriminations entre pays soumis au même régime de visa obligatoire, apportant de nouvelles clés de compréhension de la mobilité touristique mondiale comme marqueur des inégalités. 2. Résumé par chapitre Introduction (3 000 mots) Cette introduction présente l’histoire et la place du visa dans le développement des politiques de contrôle migratoire et revient sur son originalité qui est de trier à distance les étrangers, tout en étant un enjeu sensible des relations bilatérales. Elle revient également sur les terrains et les défis de l’enquête globale adoptée pour ce livre, entre Paris, Bruxelles, Alger et Beijing. Chapitre 1 – Des visas à la carte (5 000 mots) Le premier chapitre porte sur l’histoire de l’adoption de la liste des nationalités « blacklistées » devant solliciter un visa avant de voyager à destination de l’Europe. Le chapitre discute tout d’abord des critères, définis à Bruxelles, justifiant l’exemption ou l’obligation de visa imposée à un pays, puis les catégories de voyageurs légitimes et illégitimes à qui les autorités consulaires doivent délivrer ou refuser les visas. La définition de ces critères et de ces catégories fait l’objet de rivalités, en particulier entre les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères qui se partagent la compétence en matière de visas. Ce chapitre étaye ainsi les rapports de force entre les visions de la politique de visa, et comment ces luttes préfigurent des inégalités de traitement d’une nationalité à l’autre. Chapitre 2 – Deux doctrines : repousser ou attirer ? (8 000 mots) Le chapitre 2 aborde la comparaison au coeur de l’ouvrage, de la délivrance des visas par la France en Algérie d’une part, et en Chine d’autre part. Il montre que la délivrance contrastée des visas en Algérie et en Chine se comprend non seulement à la lumière de contextes historiques bilatéraux distincts, mais aussi par le rapport de force entre l’Intérieur et le Quai d’Orsay. Ainsi, la « doctrine du robinet » à l’oeuvre en Algérie, qui alterne séquences de verrouillage et d’ouverture de la délivrance des visas, répond aux priorités de l’Intérieur, et de plus en plus de l’Elysée, de réduire l’immigration postcoloniale. La délivrance des visas en Chine suit, à l’inverse, la doctrine dite « Fabius » depuis 2012, qui met la délivrance des visas au service de l’attractivité touristique de la classe moyenne chinoise, en plein enrichissement et particulièrement convoitée en contexte de crise économique en Europe. Chapitre 3 – Barbelés versus canelés : les sous-traitants, « première image de la France » à l’étranger (8 000 mots) Le chapitre 3 analyse le déploiement de la politique de visa sur le terrain et étudie le premier interlocuteur des étrangers demandeurs de visa : les prestataires à qui les consulats ont délégué l’accueil du public. A l’appui d’observations ethnographiques conduites dans plusieurs centres en Chine et en Algérie, ce chapitre interroge les contours de cette délégation relativement nouvelle et compare ce qui est en réalité sous-traité, au-delà de l’aspect logistique. En Algérie, c’est avant tout une mission de dissuasion qui est déléguée à ces prestataires, qui reproduisent des logiques disciplinaires et discrétionnaires sur les usagers. En Chine, le recours à la sous-traitance est au contraire tourné vers l’hospitalité et l’expérience-client, ciblant des potentiels touristes fortunés selon une logique de distinction économique. Elle s’inscrit en outre dans une concurrence avec les prestataires des autres consulats des pays Schengen, qui se disputent les parts du marché des demandeurs de visas chinois. Chapitre 4 – Dans les coulisses du service : le quotidien du travail consulaire (10 000 mots) Le chapitre 4 présente les routines administratives des services de visas des Ambassades françaises de Beijing et d’Alger, qui voient plusieurs centaines de milliers de dossiers par année transiter entre leurs murs. Après une présentation du profil de ces agents expatriés, le chapitre détaille la mission bureaucratique de lutte contre le risque migratoire à laquelle ils sont socialisés. Au quotidien, leur travail implique d’évaluer le bien-fondé des demandes de visa, et à s’assurer, au vu des pièces du dossier, que les demandeurs ne cherchent pas à détourner le visa court séjour à des fins d’immigration permanente. En outre, ce chapitre décrit les services de visa comme des « usines à décisions », où l’instruction de dossiers est organisée par des logiques de plus en plus néo-managériales, au détriment du bien-être au travail des agents, qui dénoncent le caractère aliénant des tâches qui leur incombent. Cependant, l'impératif de productivité qui pèse sur les services des visas a des effets opposés d’un cas à l’autre : à Alger, plus les contrôles doivent aller vite, plus ils conduisent à des décisions de refus, alors qu’à Beijing, la réduction des délais entraine à l’inverse une augmentation de l’octroi, pour satisfaire la politique d’attractivité touristique décrétée par le Quai d’Orsay. Chapitre 5 – Dilemmes locaux, dilemmes moraux (10 000 mots) Le chapitre 5 se concentre sur les dilemmes de délivrance auxquels les agents visa font face. La délivrance des visas en Algérie se caractérise par une tension entre objectif de réduction de l’immigration et nécessité de tenir compte de la relation bilatérale. Par conséquent, les autorités consulaires aménagent la mise en place de passe-droits, réservés aux élites locales qui ont des connexions et/ou de la famille en France. En Chine, le dilemme principal se situe entre l’objectif d’attractivité touristique et la mission bureaucratique des agents tournée vers le contrôle. Cette dissonance conduit les agents à résister à l’injonction diplomatique et à réinvestir l’objectif de lutte contre le risque migratoire, en profilant des dossiers perçus comme « douteux ». A la lumière de ces pratiques bureaucratiques très localisées, ce chapitre arrive à la conclusion que les discriminations d’accès à la mobilité ne se jouent pas qu’entre nationalités, même entre groupes sociaux d’un même pays : les notables en Algérie se voient facilités, tandis que les usagers les moins dotés en Chine sont jugés indignes des privilèges qui leur sont accordés. Chapitre 6 – Les usagers face à la demande (8 000 mots) Le sixième et dernier chapitre s’appuie cette fois-ci sur le point de vue des demandeurs de visa de nationalité algérienne et chinoise, également rencontrés au cours de l’enquête. Les expériences dont ils font le récit donnent à voir les pratiques d’appropriation des procédures de visa, que celles-ci soient répressives dans le cas d’Algérie ou incitatives dans le cas de la Chine. Grace à leur capital spatial, les demandeurs accumulent et mobilisent plusieurs ressources leur permettant de contourner les obstacles liés à l’obtention d’un visa. Dans les deux cas, il existe des marchés parallèles des visas, industries locales et informelles qui fournissent un ensemble de services de facilitation, parfois dans l’illégalité. Enfin, le chapitre recueille les paroles de ces usagers et les rapports (dé)politisés à la mobilité, et plus largement aux inégalités, que les procédures de visa façonnent chez eux. En prenant le parti de ces acteurs, ce dernier chapitre permet ainsi de montrer ce que les individus font de la discrimination qui les vise, et restaure leurs marges de manoeuvre face à des procédures souvent perçues comme arbitraires. 3. Public cible Cet ouvrage sur la sélection des touristes étrangers au moyen des procédures de visa peut intéresser un large public car au prisme du visa, il interroge la question du contrôle des frontières tout en abordant les relations bilatérales de la France avec la Chine et l’Algérie. Interdisciplinaire, le livre intéressera les politistes et sociologues de l’Europe et de l’international, les sociologues des migrations et du tourisme, ainsi que les chercheurs intéressés par les pratiques de l’administration et la sociologie du guichet. Accessible grâce à son format relativement court (environ 200 pages), il cible de plus les étudiants dès le premier cycle inscrits en science politique, en relations internationales, en sociologie et en anthropologie. L’ouvrage pourra ainsi être intégré aux plans de cours sur les migrations, l’administration ou les relations internationales dans ces différentes disciplines, et aux collections des bibliothèques universitaires en sciences humaines et sociales. Ce livre trouvera par ailleurs un public parmi les spécialistes de la Chine d’une part et d’Algérie d’autre part, au-delà des frontières disciplinaires dans lequel il s’inscrit. En se basant sur un matériel ethnographique, il pourra enfin être appropriable par des professionnels de l’information, de l’enseignement, de la diplomatie, de l’industrie touristique et des citoyens et associations désireux de mieux connaitre les phénomènes de traitement des étrangers et des politiques de frontières et d’immigration. 4. Livres semblables sur le marché Migrations internationales Karen Akoka, 2020, L’asile et l’exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, Paris, La Découverte Alexis Spire, 2008, Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets de l’immigration, Raisons d’Agir Catherine Withol de Wenden, 2017, La Question migratoire au XXIe siècle, Migrants, réfugiés et relations internationales (3ème édition), Presses de Sciences Po François Héran, 2017, Avec l’immigration, Mesurer, Débattre, Agir, La Découverte, Collection « L’envers des faits » Nora El Qadim, 2015, Le gouvernement asymétrique des migrations. Maroc/Union européenne, Paris, Dalloz, « Nouvelle Bibliothèque Thèses » Diplomatie Christian Lequesne, 2016, Ethnographie du Quai d’Orsay : les pratiques des diplomates français, Editions du CNRS Michael Pauron, 2022, Les ambassades de la Françafrique : l’héritage colonial de la diplomatie française, Editions Lux, Collections « Les dossiers noirs » Laurence Badel, 2021, Diplomaties européennes XIXè-XXIème siècle, Presses de Sciences Po Anthropologie des politiques publiques Vincent Dubois, 2021, Contrôler les assistés, Genèses et usages d’un mot d’ordre, Paris, Raisons d’Agir Camille François, 2023, De gré et de force, Comment l’Etat expulse les pauvres, La Découverte, Collection « L’envers des faits » 5. Références de personnes ayant lu le manuscrit (membres du jury de soutenance de la thèse - avril 2022) Frédéric Mérand : frederic.merand@umontreal.ca Valérie Amiraux : valerie.amiraux@umontreal.ca Mireille Paquet : mireille.paquet@concordia.ca Sandra Lavenex : sandra.lavenex@unige.ch Sabine Saurugger : sabine.saurugger@iepg.fr Sule Tomkinson : sule.tomkinson@pol.ulaval.ca 6. Présentation de l’autrice Juliette Dupont est docteure en science politique, diplômée de l’Université de Montréal, et membre de l’Institut Convergences Migrations (CNRS). Sa thèse, « Verrou ou vitrine ? Politiques du visa Schengen en Algérie et en Chine » a obtenu la mention « Exceptionnelle », qui distingue 2% des thèses soutenues à l’Université de Montréal et est sélectionnée pour représenter l’institution aux concours de meilleure thèse de la discipline. Depuis septembre 2023c, Juliette Dupont est chargée de recherche FRS-FNRS à l’UC Louvain Saint Louis Bruxelles et enseignante à Sciences Po Lille. Ses travaux se situent au croisement des études migratoires, des études européennes, de la sociologie politique internationale et de la sociologie des guichets et abordent plus précisément les liens entre mobilités et inégalités. Ses recherches ont été publiées dans les revues Migrations Sociétés, Politique Européenne et dans un ouvrage paru aux Presses Universitaires de Bruxelles.
Fiche technique :
Editeur
EDITIONS DU CROQUANT
Contribeurs
Dupont
EAN
9782365124294
Date de parution
6-/-0/2025
Nombre de pages
280 pages
Poids
0.325 Kg
Hauteur
21 cm
Largeur
14.8 cm