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« Témoin des mutilations du ciel »

BA

Dès ses premiers écrits, l’écrivain algérien Mohammed Dib (1920-2003) n’a pas cédé à l’emploi d’une langue didactique, transparente, ni répondu aux attentes de la littérature dite « de commande ». C’est le travail de la langue en la découpe syntaxique, la pesée de la lettre, qui importe. En fait, le témoin dibien s’avance masqué : il dissimule en son sein ce que je fais le pari de nommer un témoin littéraire, c’est-à-dire un dispositif textuel, pluriel en ses déclinaisons qui, prenant le contre-pied des attendus, ménage d’autres temps, (re)joue les textes en leurs non-dits, questionne la mémoire des textes, renouvelle la conception même du témoin et pose la question suivante : quel témoin quand la fiction s’en mêle ? Cet essai, couvrant cinquante ans de création ininterrompue, s’attache à circonscrire les différents passages de témoin que l’œuvre dibienne favorise, mais ne peut de surcroît faire l’économie d’un questionnement sur la nature même de l’exégèse et le positionnement de l’exégète : deviens-je, au terme de ce relais, l’ultime témoin qui désire, du plus profond de son cœur, passer le témoin à un nouveau garant ?

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25.00 €

Apprendre à donner, apprendre à recevoir

BB

Tous les hommes de la terre partagent la même fragilité d'être au monde. Ce qu’il y a dans le cœur de l’homme est une somme de milliards de milliers de sommes qui dépasse le nombre de grains de sable de l’univers ; cependant, le secret de l’existence est incontestablement dans la vie, mais la vie est une offrande pérenne et vaste qui sans cesse renouvelle ses énigmes. Toute raison de vivre tient dans cette évidence. Voilà pourquoi le poète en moi appelle l’homme à être responsable du monde qui l’entoure sans chercher à le dominer. Le tout est de savoir être soi tout en étant ouvert, de savoir être proche sans se confondre, sans enfermement ni repli, ni renfermement, ni rejet, ni reniement aucun : l’étoile de l’homme réside dans l’enclos ouvert de son cœur.

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10.00 €

Avant ce silence

BA

SEPT QUESTIONS A GOLAN HAJI 1/ Une autobiographie en quelques mots. Je suis né et j’ai grandi dans une famille communiste kurde au nord de la Syrie, loin de la famille élargie où certains cheikhs religieux pratiquaient la musique traditionnelle kurde. Dans sa jeunesse, (pendant l’union entre la Syrie et l’Egypte), mon père a été incarcéré et torturé sous le portrait souriant de Gamal Abdel Nasser. Son accusation était double : l’une par naissance : d’être kurde, l’autre par conviction : d’être communiste. Il considérait le nationalisme comme une maladie contagieuse, et la religion comme une branche de la littérature fantastique. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Une parole, seule et inconnue, qui ne finit pas. Son partage ne l’épuise pas non plus. On utilise son langage et son expérience pour l’approcher à travers les contradictions. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? On les distingue plus clairement au début. Mais le temps passe, et après des décennies de ces jeux souvent solitaires avec les mots, on est moins sûr de la géométrie qui sépare les deux. On peut hésiter devant un simple mot. Le brouillard augmente. Parfois la clarté d’expression est plus importante que la forme. J’ai toujours admiré la musicalité du Coran (lu en silence et non recité), ainsi que la richesse de variations sur un vocabulaire strictement limité chez Al-Niffari. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Pendant les étés de mon enfance, dans les années 80, j’avais l’habitude de dessiner les insectes morts que je ramassais dans le jardin de la maison ou dans les champs. J’avais l’impression que les mots étaient semblables aux insectes : en cas de menace, ils font semblant d’être morts, mais se remettent à bouger lorsqu’on ne les regarde pas. 5/ Quel avenir pour la poésie ? Redevenir un art de mémoire oral comme celui des anciens bergers. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. J’ai commencé par écrire de la poésie métrique. Mes premiers poèmes ont été publiés en 1990. J’avoue que la prosodie me manque parfois. Son ombre est toujours là. Elle peut m’aider à capturer une forme et à finir ce qui reste inexorablement inachevé dans l’écriture. Quelques demi-phrases métriques peuvent s’infiltrer inconsciemment de temps en temp dans ce que j’écris. Je crois que j’ai commencé imaginer la poésie grâce aux mots solitaires, comme si l’image venait avant la parole, comme un départ de l’immobilité du signe vers les mouvements de la musique. Presque tout ce que je publie est ancien. Souvent, je commence un poème à partir de brouillons mis de côté, ou parfois oubliés. C’est comme un retour à cet endroit obscur dans le corps où les sensations, la mémoire et l’imagination deviennent une seule force pour penser et, en même temps, pour sortir des pensées. Malheureusement, la loi linéaire du temps en poésie et en musique nous oblige souvent à avancer comme attachés à une chaine. Je crois que le temps de la peinture est plus libre. Il n’a ni début ni fin. Depuis des années, je discute avec des amis peintres dans leurs ateliers, en Europe ou au Moyen-Orient. Cela me donne un certain plaisir que je ne trouve pas ailleurs. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Ma vie est remodelée par la traduction. Je ne suis plus certain de la langue que j’emploie, même lorsque je me parle à moi-même. Vivre et écrire à travers la traduction est mon état « normal » depuis mon enfance. Ma langue maternelle, le kurde, était interdite en Syrie. J’ai commencé apprendre l’arabe à l’école, et j’ai toujours aimé la beauté de cette langue dans laquelle j’écris. Mon arabe est l’estuaire où se rassemblent les autres langues (kurde, anglais, français) avec lesquelles je cohabite chaque jour.

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15.00 €

Chair de Leviathan

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SEPT QUESTIONS A CHUS PATO 1/ Une autobiographie en quelques mots. La victoire des putschistes qui ont déclenché la guerre de 1936 a établi une dictature de 40 ans en Espagne, pendant laquelle la langue de la Galice, le galicien, a été interdite. Née en 1955, j’ai été scolarisée dans la langue du fascisme. Si la république n’avait pas été vaincue, j’aurais appris dans ma langue maternelle, le galicien. Par acte de justice et de mémoire, j’ai décidé d’écrire dans le langage de l’interdit. Parmi mes onze volumes de poèmes se trouve la pentalogie « Découvre, avant Méthode » composée de 5 titres : m-Talá, Charenton, Hordes d’écriture, Sécession et Chair de Léviathan. J’habite à Soutolongo, Pontevedra, Galice près des plus vieux châtaigniers d’Europe et j’ai la chance que mes livres sont traduits par Erín Moure. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Dans le poème qui conclut ce livre, on peut lire : le langage a dit /« ceci est un papillon » /« j’aime le papillon » /« y a-t-il un papillon ? » // un mot /celui-ci /qui n’est pas (mais n’est pas étranger) /un sens /un corps /un monde /un je /le lieu où l’espèce résout les problèmes /qui l’assiégeaient. Ces vers offrent une définition cachée de la poésie. Le poème est cet usage de la langue qui diffère des usages communs qui ont pour sujet un moi et qui décrivent le monde ou raisonnent dans un champ conceptuel. La langue du poème n’est pas étrangère au sens, ni au concept, ni aux désirs d’un moi, mais elle se dirige vers ce temps et ce lieu où l’humanité résout les problèmes qui l’assiègent et qui sont souvent impossibles à articuler. La langue de la poésie est celle qui surgit d’un langage dévasté : par la guerre, par un événement personnel, par ce qui nous fait taire et nous laisse sans voix. Même ainsi, un.e poète écrit un poème. La langue dévastée n’est jamais pleinement dévastée, il reste toujours quelque chose. Un.e poète écrit ce reste. C’est toujours un nom qu’on n’est pas capable de dire. Le poème connaît l’impossibilité, connaît l’échec ; même ainsi, il écrit ce nom. Un ou une poète est un être dont le métier est de disparaître, de céder sa place à la langue du poème. La langue d’un poème se prononce à la troisième personne. Cette troisième personne peut être un cheval, un bâtiment, un océan, un arbre, une intrigue, par l’amour, la naissance, la mort ou les morts.... Le poème ne parle pas d’un bâtiment, ni de chevaux, ni de papillons, ni des intrigues, ni des morts. C’est le cheval linguistique qui écrit le poème. C’est l’océan linguistique qui écrit le poème. C’est le papillon linguistique qui écrit le poème.... Un poème est toujours un être de langue, il s’écrit avec des mots et avec la syntaxe ou l’absence de syntaxe qui articule les mots. Définir la poésie, c’est comme vouloir traverser un arc-en-ciel ou tracer une asymptote. Nous ne traverserons jamais l’arc-en-ciel, nous ne serons jamais assez proches. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Un poème peut frôler le conte, l’histoire, l’essai. Il s’arrête toujours de tel ou tel côté de la frontière, ne la franchit jamais. Pourtant nous savons que rien n’est plus poreux qu’une frontière. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Une fois qu’une forme existe, l’entropie la saisit. Et soudain l’incertitude règne. Ensuite, la forme disparaît et une nouvelle forme fleurit. Le chaos et l’incertitude sont les matrices de la forme, la crise de la forme. Aucune forme n’est stable, les formes sont comme les eaux d’une rivière ; ils chantent dans un même lit, sans jamais être les mêmes. 5/ Quel avenir pour la poésie ? J’aime dire, en espérant qu’on ne me mécomprenne pas, que la poésie n’a pas d’avenir. La poésie est strictement contemporaine. Je comprends le contemporain comme opposé à l’actuel. Contemporain, c’est le moment où une lectrice ouvre un livre et lit le poème. Contemporain, c’est le moment où une poète écrit un poème. Ceci est le temps de la poésie. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. En bref, je dirais que la poésie occidentale a choisi de se détacher du chant et de la ligne mélodique pour se lier au silence de l’écriture et être lue avec les yeux et non chantée ou récitée par une voix. Disons que le point sans retour est le poème de Mallarmé « Un coup de dés ». En bref je dirais qu’au 21e siècle tout est possible, même récupérer la mélodie. En bref, et de façon un peu cryptique, je propose ce qui suit : imaginons que la poésie a la forme d’un papillon ou d’un scarabée. L’insecte étend ses ailes. La gauche est la prosodie, la droite est le chiffre, la pensée mathématique. La gauche est l’un des rêves limites du poème, celui de disparaître dans la sonorité de la langue, de manquer de sens. La droite est un autre des rêves limites, celui de disparaître dans l’abstraction d’un nombre. Ce qui soutient ces rêves est le corps central du papillon, du scarabée. Sans ce corps il ne peut pas voler. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Un pain est un pain, mais à chaque four son pain. Quand nous voyageons et mangeons du pain, nous reconnaissons que ce qu’on met dans la bouche est du pain, mais en chaque pays le pain est différent. En chaque langue, le mot pour pain signifie un pain, mais les lettres du mot diffèrent. Le pain est un nutriment, mais en même temps, un infini. Répétition et différence. C’est ça la traduction, ce mot qui nous nourrit se répète et dans sa répétition est la différence. C’est ça la nutrition. D’autre part, l’écriture poétique est déjà en soi une traduction. Si celui qui écrit le poème est le cheval, nous devons reconnaître que lorsque le cheval du monde devient un cheval linguistique, on traduit. Comme j’ai déjà dit, un ou une poète doit disparaître, céder sa place au cheval, c’est le cheval qui traduit.

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Chants et hymnes

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SEPT QUESTIONS A GHASSAN ZAQTAN 1/ Une autobiographie en quelques mots. Ghassan Zaqtan, né à Beit Jala, banlieue de Bethléem. Il est passé de pays en pays avant de revenir à Ramallah en 1994. A été enseignant et journaliste au sein de l’Organisation de libération de la Palestine. A publié plus de dix ensembles de poésie et quatre récits. Il a été traduit dans de nombreuses langues. Lauréat du prix Griffin pour la poésie en 2013, et du prix Mahmoud Darwich en 2016. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Je ne saurais pas définir la poésie, mais le besoin qui lui est associé, son caractère de nécessité sont si puissants que j’ai une réelle foi en son existence. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? En une certaine zone, quand on parvient à intégrer cette tendance de la langue à aller vers la poésie, il existe un point d’intersection invisible, un point de contact et un point d’achèvement où la prose parvenant, la poésie devient plus que ce qu’elle est d’habitude. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. L’espace et le temps font partie des éléments constitutifs du poème, l’espace avec ses multiples plans de mémoire, le temps dans ses différentes modalités. Ce tout ne peut être désassemblé. La structure du poème nous est suggérée par tout cela. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La poésie traverse les époques, elle est partie prenante des transformations profondes qui ont amené l’humanité au point où on se trouve à présent. Elle provient de l’énergie vitale elle-même, cet éternel compagnon des hommes. Je ne crois pas qu’on puisse se retrouver dans une époque sans poésie, se priver de poésie ce serait se priver de l’homme lui-même. La poésie peut se calmer, se faire plus discrète parfois, mais elle finit toujours par trouver une issue. La poésie prend forme comme la mémoire, et à partir d’elle aussi, là où les choses ont lieu et continuent à avoir lieu. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. La métrique est une propriété parmi d’autres, elle appartient à la poésie, c’est un de ses outils, le rythme et la musique qui lui ont conféré le pouvoir d’affecter, une certaine capacité d’attraction. D’autres possibilités existent, plus profondes, des outils restent à inventer. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. En poésie, je crois que la traduction doit dépasser l’idée d’une transposition d’une langue à une autre, elle ne doit pas se contenter de transporter une unité de sens d’un endroit pour la projeter dans un endroit analogue. Tout mot a une mémoire ici, des ombres nombreuses. La traduction est une collaboration complète entre le traducteur disposant des outils du poète et du linguiste et le poète lui-même.

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Divan amoureux

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SEPT QUESTIONS A MICHEL DEGUY 1/ Une autobiographie en quelques mots. J’appelle mon mouvement « palin-odique ». C’est celui d’une mémoire sans retour qui transforme pour conserver. Une infidélité fidèle. Nos reliques nous livrent le passé en œuvre : traditionis traditio. À recevoir en pensée radicalement transformatrice : métamorphoses intelligibles, « noétiques », démythologisées, incroyantes, minutieuses, rigoureuses. Leur archive n’est plus un dépôt syncrétique (c’est ce que veut dire la « déconstruction »). La profanation ou déposition (terme qui est lui aussi une relique chrétienne) n’est pas un dépôt, une déchetterie. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie ». La poésie, pensée parlante ou « écriture », ne cherche pas la « sortie du langage ». Mais le contraire. Devenant une poétique, elle pourrait refrayer une espérance en l’espérance (celle de Baudelaire, 1855), ni « réactionnaire », ni « culturelle ». 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? « L’écriture »… : « contrée énorme où tout se tait » (selon les mots d’Apollinaire, qui parlait de la « bonté »). Soyons intraitables : pas d’abandon, pas de délinquance. Je reprends des injonctions de Rimbaud, sans aucune illusion de rimbaldisme adolescent ! Soit : « devotio » qui est de se jeter à corps perdu contre la déroute dans la défaite imminente (le « combat spirituel », disait Arthur ; et qu’il perdit en effet)pour en renverser le cours, à coups d’encouragements inouïs. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Refusons les défections. Le temps de l’Occident, c’est la crise (Krisis en grec, et chez Husserl) toujours. La « mondialisation » en réduit le sens – à l’économisme. Donc retour à – où plutôt : réinvention de – la vraie crise permanente : la critique*. 5/ Quel avenir pour la poésie ? L’avenir de la poésie ? La poétique, c’est-à-dire les poétiques, ou des poétiques. Sortons de la confuse homonymie de « poésie », où s’indifférencient des contrariétés, qui s’accommodent et croient ainsi sauvegarder une bonne petite place « culturelle » secondaire pour la poésie (à demi « populaire » et à demi « élitaire »). 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Toute la part ! La partie est plus grande que le tout. La prosodie est l’entente de ma langue en son poème. Le secret de la prosodie française est le jeu du e muet et de la diérèse… Il me faudrait ici dix pages de plus ! 7/ La place de la traduction dans la démarche poétique. Décisive. Tout est traduction. Circonscrire le « ne pas s’entendre » les unes les autres des langues ouvragées est « la tâche infinie » (Walter Benjamin). Les langues, parfaites en cela que plusieurs (ce que ne dit pas Mallarmé), cherchent par leurs œuvres, tendues à tous, à changer la surdité réciproque des langues (le mal-s’entendre dans le malentendu général des parlers, pour respecter la distinction saussurienne langue – parole), non pas en un (dés)espéranto globish, mais en une trêve active.

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Face à cela

BA

SEPT QUESTIONS A YUSEF KOMUNYAKAA 1/ Une autobiographie en quelques mots. Je suis né et j’ai grandi à Bogalusa, en Louisiane, dans ce que l’on nomme l’Empire Vert à cause des forêts de grands pins. Dans la langue des premiers habitants, les Indiens Cree, le mot signifie eaux sombres. Mon père était menuisier, ma mère, au foyer. Je dirais que j’ai attrapé la poésie à l’âge de cinq ans, lorsque j’ai commencé à mettre mes propres paroles sur les airs entendus à la radio. À treize ans, Madame Williams, chez qui je tondais la pelouse, me fit cadeau des Poèmes Complets de Yeats. Néanmoins, il me semble que j’ai ressenti le vrai choc de la langue l’année suivante, lorsque j’ai découvert James Baldwin dans Nobody Knows My Name et Notes of a Native Son. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » La poésie ? Même si je me définis comme écrivant en vers libre, sans tenir compte des formes régulières ou de la longueur des vers, je crois fermement aux rythmes du discours incluant les alternances de l’accentuation. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la poésie se matérialise rarement dans le vers. Pourtant, le poète a intégré la prosodie ; il en connaît les règles, avant de les violer délibérément. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Parfois, pour l’œil, poésie et prose semblent ne faire qu’un. Ce qui les sépare néanmoins, ce sont les images et la musique ; et l’impression demeure que le lyrisme se ressent mieux dans le vers libre que dans la prose. Certes, ce genre de règles et de procédés n’est pas étanche car le son véhicule les images et le message. Hors de cela, pas de poésie. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Le poème est un montage. Artificiel, il s’adresse au cœur et à l’esprit. La forme ne devrait jamais se contenter du rôle de lit de légumes. Oui, en période de crise nous demandons souvent au poème de chanter. Dans le cas présent, je pense plus précisément à la poésie des temps difficiles qui s’apparente au cantique, comme dans les poèmes traitant des horreurs du Onze Septembre. Sauf que la voix n’a nul besoin de tailler des paires de pentamètres iambiques pour se draper dans l’émotion authentique. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La poésie s’est d’abord adressée aux mystères de notre monde : elle a fait apparaître tout un développement d’éventualités en ayant recours à la métaphore. J’espère qu’elle poursuivra son œuvre dans les mondes intérieur et extérieur et que, désormais, avec ou sans l’usage d’aiguillons, elle sera peut-être à même de courir les galaxies biologiques du corps, de l’intellect et de l’esprit. Et faire, pourquoi pas, le grand saut intersidéral. Si nous nous attendons à trouver une prosodie dans les poèmes en prose, la poésie en vers libre se déclame, ces temps-ci, sur fond d’accompagnement musical. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Si un poème, qui est fabrication, prend de l’importance à la mesure du vaste monde, il reste porteur d’une musique propre à son époque. Sinon, ce ne sera jamais qu’un gadget sonore déconnecté de la vraie vie. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. La traduction ouvre le champ et la portée du poème. Le traducteur devient créateur associé. De nos jours, si nous parlons en termes de globalité, il existe des poèmes qui ont acquis une dimension internationale bien avant l’Internet et la mise en place des hautes technologies de communication. Les livres se transportent mais ils passent aussi de main en main et franchissent les frontières. C’est la raison pour laquelle certains soi-disant dirigeants surveillent toujours les poètes du coin de l’œil. Et, codicille du traducteur : J’ajouterai que, pour ce qui est du passage de l’anglais au français (et vice-versa), le traducteur de poésie évolue nécessairement dans un système contraignant clairement paramétré. Si ces deux langues ont le même nombre de sons voyelles et diphtongues, pas un seul n’est identique, à l’infime exception près du ‘U’ français qui correspond à peu près à l’écossais dans True Scot, par exemple. Par ailleurs les rythmes nobles, instinctifs, diffèrent aussi : si le pentamètre anglais se retrouve, dans le miroir, en alexandrin français, ils n’ont rien en commun. Au rythme iambique anglo-saxon, porteur ou non de rime (5x 1+1) nettement accentué sur le mot, fréquemment monosyllabique, correspond le dactylique/anapestique, lesté de rime, qui n’est qu’accent de phrase (4x3). Je passe sur les variantes indispensables pour vaincre l’ennui naissant de l’uniformité. Mais cela débouche sur un rapport proportionnel incontournable : si l’on considère, théoriquement parlant, cela va de soi, que le sonnet, poème par excellence, vaut de façon très souple 14x10 syllabes en anglais, il en vaut très rigoureusement 14x12 en français, soit exactement 20% de plus. À différente musique, différente partition. Le traducteur se doit de re-composer : il est donc « créateur associé » comme vient de l’écrire Yusef Komunyakaa. La mauvaise traduction aura tendance à dépasser cette norme. La moyenne s’y tiendra, plus ou moins. La bonne descendra le plus possible. Quant à l’excellente, qui existe à l’occasion, il lui arrivera de faire plus court encore. Si ce n’est pas toujours possible, il y a très souvent mieux à faire, après réflexion. Tout ceci, bien sûr, ne concerne que l’écrit. Souvent, lorsqu’il s’entend pour la première fois en traduction, l’auteur a l’impression de se découvrir une face cachée. C’est la surprise du chef.

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Furtif Instant

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Pourquoi traduisons-nous la poésie ? S'agit-il vraiment d'une traduction ou, comme le dit Roman Jakobson, d'un « transfert créatif » ? S'approcher des braises de la poésie signifie que l'on essaie de toucher les subtilités et les plis des profondeurs serrées que d'autres écrivains, destinataires, critiques ou traducteurs sont incapables de toucher et d'approcher. Vous déconstruisez et interprétez les symboles et les signes que vous lisez et ressentez à votre manière et avec vos propres mécanismes et moyens, pas nécessairement les mêmes que ceux que ressent l'autre personne qui est passée ou passera par les mêmes textes, car lire de la poésie et déconstruire ses particules profondes n'est pas comme lire n'importe quel autre type d'écriture créative. Avec le poème, qui est fondamentalement une lumière intérieure profonde, avant qu'il ne s'incarne dans une forme ou une construction quelconque et ne soit formulé dans une langue, vous vous trouvez face à des enchevêtrements, des chevauchements et des âmes en mouvement, non pas un amas de mots, non pas les constructions linguistiques habituelles, non pas des stations linguistiques, mais l'essence et l'âme d'échos cachés formés et construits par la langue, avec toute sa puissance et sa musique, avec tout son bagage culturel et toute sa profondeur humaine. Toucher la poésie, lue ou traduite, c'est comme essayer de déchiffrer les lignes, les couleurs et les symboles d'un tableau, toucher une mélodie magique ou interpréter les mouvements d'un danseur mythique. Nous aimons souvent écouter un poème dont nous ne comprenons ni la langue ni le sens, mais qui nous parle et a le pouvoir de provoquer des frissons et des tremblements dont seules la poésie, la musique et les couleurs sont capables. Ce sont ces radiations qui touchent l'âme et captent directement les profondeurs. Traduire un texte créatif signifie le transférer de la profondeur et de la charge d'une culture à la profondeur et à la charge d'une autre culture, par le biais de la langue, le "pont artistique et esthétique" dans tous les sens du terme. Traduire signifie être très familier avec la culture du texte original et la culture de la langue d'incubation du texte, à plus forte raison si la poésie est concernée par la traduction, car c'est l'histoire de l'amour le plus fort et le plus élevé avec la langue, et en ce sens, la traduction devient le voyage le plus agréable vers les langues et les langages, où l'amour rencontre l'aventure, l'insistance, l'entêtement et le plaisir, pour livrer le poème au destinataire avec toute sa puissance et son élan sur le plan esthétique, artistique, stylistique et de la signification. Il s'agit d'interroger son âme et sa profondeur, et non d'effleurer son langage direct de manière mécanique, simple et ordinaire. Nous sommes face au souffle du poème et à l'arrachement de sa flamme, puisque le poète est le voleur de feu par excellence. Pour moi, la joie de la traduction réside dans la découverte du mystère complexe et entrelacé d'une langue en tant qu'élan intellectuel, culturel, esthétique, humain et cognitif, et pas seulement en tant que combinaison de lettres, d'alphabets et de symboles de communication. (Extrait de l'introduction de Zineb Laouadj)

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Grand Motel du Biotope

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SEPT QUESTIONS A LAURE CAMBAU 1/ Une autobiographie en quelques mots. Laure Cambau est poète, pianiste et auteur de contes pour enfants ainsi que de paroles de chansons. En équilibre permanent entre la « fertilité des sons » et la « réalité magique des mots » (D.H Lawrence), elle revendique son droit à l’étrangeté. Elle a publié huit recueils de poésie dont, en 2015, La fille peinte en bleu (Caractères/Ecrits des Forges) et Ma peau ne protège que vous (Le Castor Astral), a reçu le Prix Poncetton de la SGDL pour Lettres au voyou céleste (L’Amandier, 2010), le Prix Orpheus et le Prix Vénus Khoury-Ghata (mention spéciale) pour Le Manteau rapiécé, un voyage au fil du souffle (Unicité, 2018), livre inspiré de sa rencontre – spirituelle et temporelle – avec les Bektachis. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie » ? Comme disait un berger grec, c’est quand un mot rencontre un mot pour la première fois. Ce serait dire l’indicible, jouer avec la « réalité magique des mots », des poissons dans l’âme, trouver la clé du silence. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Un poète a écrit un jour : la prose s’écrit sur les lignes, la poésie entre les lignes. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. La forme rassure et aussi, parfois, inspire... Il s’agirait « d’ordonner le monde pour le supporter », « harmoniser les dissonances intérieures pour faire taire le tumulte », « mettre en ordre l’anarchie de l’âme » (essayer du moins...). (Supervielle) 5/ Quel avenir pour la poésie ? Le caractère non commercial du genre - tout à fait inutile donc parfaitement indispensable - le protège ; la poésie n’est pas soumise aux lois des Marchés, elle n’en suit pas les cours. Elle échappe même aux phénomènes de « rentrée littéraire ». Ne soyons pas trop ethnocentrés : n’oublions pas la place primordiale de la poésie dans de nombreux pays. L’hégémonie du roman en France est un phénomène plutôt récent. Il faudrait écrire des « poèmes-exorcismes », afin de « tenir en échec les puissances environnantes du monde hostile ». (H. Michaux) 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Je ne fais pas de distinction très précise ; pour moi ce qui compte c’est le rythme, « la force magnétique du poème ». (Maiakovsky) Il m’arrive souvent de « recueillir » des matériaux nocturnes, matière première indéfinie, que je vais « modeler » pour donner des poèmes. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Traduire un poème est une tâche impossible. Comment transmettre cette « hésitation prolongée entre le son et le sens » qui caractérise la poésie ? (P. Valéry) Cela implique presque une réécriture, trouver le rythme dans sa propre langue, chercher d’autres doubles sens, des métaphores plus « parlantes »... J’aime traduire à quatre mains, dans un dialogue et un questionnement créatifs ; l’exercice de la traduction m’inspire et souvent me stimule pour ma propre écriture : un « sudoku poétique » en quelque sorte...

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Je est de la tempête

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SEPT QUESTIONS A DAVIDE RONDONI 1/ Une autobiographie en quelques mots. Né en 1964 à Forli, Davide Rondoni est poète, dramaturge, écrivain et traducteur. Il a fondé le Centre de poésie contemporaine de l'Université de Bologne ainsi que la revue « clanDestino ». La poésie de Rondoni offre au lecteur un voyage dans les nombreuses démonstrations de l'amour. Ses vers traversent les ténèbres de l'expérience et de toutes les choses pour les éclairer d'une lumière soudaine. La lumière qui perce l'apparente opacité de ce qui existe. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Art des mots, la poésie met la vie en lumière. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Oui. C’est une question de rythme. Et d’intensité analogique. Je pense que ce sont des gestes différents, deux formes d’art des mots. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Forme et crise de la forme sont le mouvement de la poésie. Sans forme, il n’y a pas de vie, donc même pas d’art qui est toujours composition, à l’inverse de la décomposition qui est la mort. La crise interne et extérieure de chaque forme acquise est la vie de l’art, pas nécessairement selon une banale et stricte idée de progression, mais dans toutes les directions possibles. Chaque artiste est expérimental quand il travaille sur les traditions et les innovations avec des alchimies personnelles. Le contraire de la forme n’est pas la crise, mais la mort. La vie est une crise en croissance, c’est-à-dire une crise qui engendre. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La poésie a toujours un avenir car elle s’enracine dans la nature humaine et non dans l’acquisition et la perte dans le temps d’une compétence particulière. Son avenir coïncidera avec l’avenir de l’individu et de l’humanité entière. La poésie vit dans l’histoire, elle anticipe et suit ses mouvements dans les traditions individuelles en les faisant dialoguer. Il n’y a que les catégories historicistes qui ne fonctionnent pas avec elle. Aujourd’hui, je peux me sentir contemporain d’un poète d’il y a sept cents ou trois mille ans. Je ne me préoccupe donc jamais de l’avenir de la poésie. Il faut bien sûr se préoccuper de l’avenir de certaines choses (l’édition, l’école, la formation du goût) qui accompagnent la vie de la poésie mais qui ne la génèrent pas, ni ne la tuent. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. La poésie est composition. La prosodie en est une partie importante. L’art du rythme coïncide avec l’art de la poésie, autrement les poésies seraient notes philosophiques ou journal. Alors que la prosodie coïncide avec la nature spéciale de la poésie et que s’exprime en elle la fidélité et l’innovation par rapport à la tradition de chaque poète. Trouver la prosodie de sa propre voix est le but de chaque poète. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Nous vivons dans la traduction, le monde est traduction. Et la traduction est sœur de la poésie. C’est-à-dire expérience de la limite et de la rencontre. Dante disait que l’on ne peut pas « transmuer » une langue en une autre. Les alchimistes ou Dieu, plutôt, peuvent transmuer. Alors que nous, nous traduisons, c’est-à-dire que nous nouons des dialogues et des rencontres avec l’autre. Nous l’accueillons. La traduction est la démonstration que nous ne sommes pas déjà au paradis, et il n’y a rien de plus dangereux que quelqu’un qui veut construire le paradis ici-bas. Je veux dire que la nécessité inévitable de la traduction (et son dialogue spectaculaire et dramatique) est le signe du fait que nous habitons le langage, et donc, que nous habitons la limite. Ce n’est pas une condamnation dont il faut essayer de sortir à la vaine poursuite d’un « niveau zéro » de différence entre une langue (concepts, sons, rythmes) et une autre. C’est une condition à habiter comme hospitalité réciproque et fête des rencontres. Grâce à mon expérience de traduction de Baudelaire, Rimbaud, Péguy, Shakespeare ou Jimenez, j’ai élargi mon univers et étendu les touches du piano de mon italien pour les accueillir avec leurs voix. Traduire, c’est étendre les bras de la poésie.

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L’arracheur dedans

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SEPT QUESTIONS A RENE CORONA 1/ Une autobiographie en quelques mots. Je suis né à Paris, vers la fin du mois de novembre, en 1952. Et en noir et blanc. Les couleurs sont arrivées après. Mes meilleurs souvenirs sont restés ancrés à cette enfance et à ces nuances infinies. Après, j’ai connu deux autres langues, le dialecte de la Vénitie et l’italien, c’est pour cette raison que l’on dit que je suis bilingue (cependant le dialecte n’est pas l’italien, je dirai trilingue, ou plus simplement atrabilaire bilingue ou « atrabilingue »). La mélancolie remplit le vide que me laisse la poésie quand elle s’en va. Et dans la vie de tous les jours elle me quitte souvent, mais je ne lui en veux pas puisqu’elle revient. J’ai lu presque tous les livres, plus particulièrement ceux des auteurs méconnus, pour un sens de justice envers eux. En fait, pour un CV très court : je vis en Calabre, je travaille en Sicile, je m’inquiète en Italie, je me désespère en Europe, je me tourmente dans le monde entier. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » C’est la nécessité de ma vie. De même que Louis Calaferte qui a écrit dans ses Carnets : « J’ai joué ma vie sur la poésie ». Mais je crains la poésie, j’ai toujours peur de la décevoir, comme une vieille amie qui s’attendrait de ma part à plus et que je n’aurais pas assez aimée. Peut faire mieux, écrivaient nos maîtres d’autrefois. Calaferte, toujours lui, disait que « la Poésie c’est une enfance », j’ajouterai c’est l’enfance - ses jeux, ses désirs, ses envies, ses joies, ses peines -, retrouvée comme l’éternité. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Oui et non. D’ailleurs Mahmoud Darwich a écrit dans un de ses plus beaux livres Présente absence que « Le poète est perplexe entre prose et poésie » et que « La prose est la voisine de la poésie et la promenade du poète. » Et c’est agréable de se laisser aller aux digressions de la prose, cheminer entre virgules et points-virgules. Le problème c’est que souvent les choses dites dans le poème reviennent en catimini dans la prose. C’est ce qui arrivait aussi à Baudelaire, après tout, et bien avant moi… En fait, je crois que l’on ne se répète pas vraiment, tout simplement la phrase ne s’arrête pas à la moitié de la page mais continue avec la pensée et, par conséquent, les mots. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Dans un univers qui se liquéfie, la forme et le formel ont leur importance. Il m’arrive de penser au sonnet et aux vers réguliers. S’ancrer à la forme permet de mieux creuser le sentiment et de le réduire à son essence, et dans un monde où le superflu et le superficiel (et tous les supers médiatiques) dominent, ce serait une façon de les contrer. Mais la plupart de mes poèmes sont en vers libres, sans que je sache vraiment pourquoi, car me laissant transporter par le « faire », alors je recherche le formel dans la rhétorique et dans la musicalité des mots. 5/ Quel avenir pour la poésie ? Nous pouvons rêver et penser que demain on demandera aux poètes ce qu’il faut faire pour sauver la planète et pour amadouer le terrible de notre condition humaine. Dans un monde où la vie des uns ne vaut pas grand-chose pour les autres, il est difficile de penser que ces autres s’arrêteront un instant de massacrer, de violer, de torturer, de tricher, pour lire un poème. Mais tout est possible. Il est vrai qu’il existe des tortionnaires qui aiment la poésie et que les nazis écoutaient du Bach et lisaient Hölderlin, mais ce n’est qu’un hasard qui fait mal les choses. Ce qui m’attriste profondément c’est qu’elle paraît disparaître des librairies et que les jeunes gens la trouvent ennuyeuse. Il faudrait s’inventer une chaîne télévisée qui ne parle que de poésie. C’est un rêve. La poésie est rêve. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. La musique et le rythme sont pour moi très importants. J’obtiens une certaine musicalité en utilisant les figures de rhétorique traditionnelles, allitérations et paronomases. On revient toujours au premier vers de Valéry offert par les divinités. Si la musicalité est déjà présente, le poème s’écrit tout seul. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. On traduit parce que l’on est malheureux. Du moins, je traduis quand je suis déprimé. Cela me fait du bien. Probablement j’attrape quelques éclats du texte que je suis en train de traduire et qui restent attachés à mes doigts, accrochés à mon émotion et à mes cheveux, comme la poussière des étoiles sur le bout des doigts quand on caresse un chat, ou comme les poèmes que Stefano Terra garde en soi, par manque de papier, dont parlait Henri Calet. Ou quelque poussière dans les yeux qui oblige le regard à se poser autre part, de l’autre côté du quotidien. La traduction donne les clés du royaume magique et Marina Tsvetaieva disait qu’écrire de la poésie c’est déjà traduire. Tout est familier, comme le rêve verlainien. Gesualdo Bufalino parlait de sfida carnale, défi charnel, Pascal Quignard que l’amour de la traduction est de se laisser soumettre à un texte dominateur. Connaître un autre à travers nos mots qui se glissent sous ses mots laisse sûrement des traces dans l’écriture de l’après. Ce n’est pas simplement de l’intertextualité, c’est une forme d’amour et de respect.

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L’Être sans l’ombre

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Une fois achevée la lecture de ces poèmes ciselés, on a envie d’adjoindre au titre deux mots : d’un doute. On a vraiment envie d’appeler ce florilège de poèmes cursifs, et qui se détendent comme des coups de poing, L’Être sans l’ombre d’un doute. La présence de l’Être, ses tourments, la vieille incertitude qu’il traine depuis la première caverne, l’espoir qui le fait sortir du tunnel, est si fulgurante dans la pugnace quiétude de ces mots que l’on ne peut que constater que la poésie de Hamid Larbi est un parchemin légué par les premières pulsations de l’humanité primale... ... Dans cette disparition de la poésie engloutie dans la béance du renoncement utilitaire, il surnage heureusement quelques maquisards du verbe, et de leur âpre musicalité, comme Hamid Larbi, qui tiennent le front d’un combat qui n’est jamais ni tout à fait gagné ni tout à fait perdu, car c’est le front de la parole profonde et féconde par laquelle tout a commencé. Hamid Larbi, dans son héroïque solitude de poète orphelin de cercle, toujours fasciné par des muses désormais perverties par la vitesse et l’utilitarisme, est posté comme un Veilleur, dans l’adversité, adossé à un copieux arbre généalogique de poètes, qui, de Si Mohand à Tahar Djaout, ont conjuré le malheur et ont arraché à la nuit des morceaux de lumière qui nous ont permis de tracer notre chemin vers la vérité des hommes, la vérité des peuples, la vérité de nous-même.

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L’ombre portée

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SEPT QUESTIONS A MARIE ETIENNE 1/ Une autobiographie en quelques mots. Enfance, jeunesse à l’étranger, travail dans le théâtre, goût des images de cinéma, pratique du journalisme. Tout cela m’a conduite à écrire. Je n’ai jamais cessé depuis l’âge de onze ans, époque durant laquelle je bâtissais des scénarii qui ressemblaient à des nouvelles en compulsant des magazines, découpant leurs photos qui me servaient de cadres et de tremplins pour inventer. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie » ? La poésie permet l’absence d’explication, elle rompt avec le sens, avec les règles de grammaire et la typographie de la prose romanesque. C’est par elle, grâce à elle que j’ai osé écrire. Libératrice, c’est ce qu’elle fut, pour moi. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Parfois oui, parfois non. Il arrive qu’un poème soit une narration, il arrive qu’une prose soit parsemée de trous où l’énigme paraît. Néanmoins on peut dire que le poème est plus concis, plus elliptique et plus secret. Et ce qu’il faut lui opposer, c’est le roman, et non la prose. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. La forme est primordiale, même invisible, légère. L’écrivain, le poète, en a besoin absolument pour tracer son chemin dans le chaos des mots, la vastitude langagière. Pour se connaître, se reconnaître, de lui d’abord, des autres ensuite. Quant à la crise, elle est constante, aujourd’hui et jadis, elle cherche à nous gober. Inventer sa grammaire est le seul garde-fou. 5/ Quel avenir pour la poésie ? Aussi ouvert et large que pour les arts en général qui semblent disparaître du champ des intérêts. Il n’en est rien, ils sont dessous, ils vivent leur vie intense, chacun en a besoin bien plus qu’il ne le croit. La poésie nourrit davantage que le pain, elle permet de survivre, elle est une denrée dont on oublie la force, la clémence, la surprise. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Le besoin de la forme est un besoin de prosodie quand il s’agit de poésie. Pas de poème sans rythme, sans scansion, sans refrain. Quand il s’agit de prose on parlera plus platement d’écriture ou de style. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Disons, pour être bref, que tout est traduction, ce qui n’est, nullement, une façon de répondre à côté. Ecrire, c’est parvenir à passer d’un langage intérieur à un autre, écrit, lisible par les autres. Traduire au sens classique du terme, c’est passer d’une langue étrangère à la sienne. Dans les deux cas, on est dans l’à peu près, on rabote, on transforme, pour parvenir, tant bien que mal, à la justesse de l’origine : celle qu’on avait en soi, celle de l’original.

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La Guerre des Chambres dans ma Maison

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SEPT QUESTIONS A HANS THILL 1/ Une autobiographie en quelques mots. Né à Baden-Baden en 1954, il a grandi à la lisière de la Forêt-Noire au milieu de nombreux dialectes et langues de l’après-guerre, sa mère étant alsacienne, son père berlinois. Il vit à Heidelberg depuis 1974, y a participé en tant que militant de la rébellion spontanée, une sorte de fin 1968. Il a profité de la période de calme imposée par l’État qui a suivi pour fonder une maison d’édition en 1978 : avec Angelika Andruchowicz, Manfred Metzner et d’autres. Verlag Das Wunderhorn, conçu comme un atelier médiatique pour la politique et la poésie. En 1985, le premier volume de poésie Gelächter-Sirenen a été publié, après quoi il a gagné sa vie comme traducteur du français, a publié un hebdomadaire intellectuel de gauche pour Heidelberg, « Communale ». Anthologue (avec Michael Braun) de la poésie contemporaine en 4 volumes, chacun couvrant une décennie. Traduction de romans, de poèmes, d’ouvrages de non-fiction et de pièces radiophoniques, de Philippe Soupault, Abdelwahab Meddeb, Assia Djebar et de nombreux autres Français. A publié de nombreux volumes de poésie avec des titres programmatiques : Sirènes de rire (« rires sirènes ») (1985), Cibles civiles (1995), Religions froides (2004), Musée de l’impatience (2009), Conseiller pour des gens de tissu (2015), Dunlop (2016), Anarchimède enroué (2020). A travaillé à la maison d’édition Das Wunderhorn jusqu’en 2009. Depuis 2010, directeur de la Künstlerhaus (Maison de Poésie) Edenkoben. 2008-2017, collaboration au sein du présidium de PEN Allemagne et du Comité des écrivains pour la paix. Il place des Stèles pour les poètes décédés : https://www.poetenladen.de/stelen/ 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Il y a beaucoup de poésies, des positions changeant constamment d’une mobilité joyeuse ou douteuse. Si l’on ne peut pas se passer de définir, il faudrait alors trouver une définition qui devrait faire ses preuves à chaque poème réussi. Écrire de la poésie est une activité qui redéfinit constamment la poésie. Quelle serait la définition la plus solide ? Pour moi, cela pourrait être : la poésie est une avancée linguistique vers le possible, vers l’improbable, si elle est concevable. Chaque texte serait alors un test. Ou (avec Inger Christensen) : la poésie est un jeu, peut-être un jeu tragique, que nous jouons avec un monde qui joue son propre jeu avec nous. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Tout à fait. Sans distinction, il n’y a pas de frontière. Et là où il n’y a pas de frontière, on ne peut pas la franchir. Bien sûr, la prose doit être poétique et la poésie doit pouvoir être prosaïque. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Je travaille sur un poème jusqu’à ce que je puisse le supporter. Il naît ainsi de la crise, la transforme et la transporte plus loin. Les formes inachevées sont ma partie préférée du processus. Le poème est un produit de la terreur et du plaisir. Et il devrait être lu avec plaisir. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La poésie n’a pas encore épuisé son avenir. Le poème est toujours là avec son corps indemne, sa littéralité. Il est écrit dans un alphabet provisoire. En fin de compte, mes parrains sont Jean Arp, le maître de l’« opus null ». Et Harpo Marx, le frère silencieux, lorsqu’il sort un objet inattendu de sous son large manteau. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Quant aux formes de la tradition classique, ma devise est : « Ni Dieu ni Mètre », la corruption par Paul Feyerabend de la vieille formule anarchiste de Daniel Guérin : Ni Dieu ni Maître. Mais bien sûr, chaque phrase, chaque ligne a son rythme. Le langage émerge du rythme. Ici, le mélange parlé et écrit. Dans certains endroits, le poème « chante », dans d’autres, il devient assez prosaïque. Ainsi, la musique en vers n’est plus une question de régularité. Je peux profiter de la belle harmonie des temps passés, je ne veux pas la reproduire. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. « En fin de compte, toute poésie est une traduction. » (Novalis). La traduction est plus qu’un simple métier, c’est un état, une assurance ludique d’être dans la langue. De nombreuses idées proviennent de la pratique de la traduction constante, qui pourrait bien devenir une manie au fil des ans. Traduire les noms, retracer l’origine des mots, les échos phonétiques d’expressions apparentées et contrastées. Tout cela trouve sa place dans le poème, comme une citation, une blague, une erreur de parole. De plus, on peut travailler dans le poème avec des langues que l’on ne peut pas vraiment parler. Ils entrent par la fenêtre comme s’ils étaient soufflés par un vent lointain, ils sont scandés dans les rues de New York ou sur la place al-Tahrir. Des slogans en ukrainien, des bribes de Mo’allaqat, des slogans en zoulou, en kiswahili, par exemple, remplis d’une grande euphorie, ou les paroles martelantes d’une chanson rock. D’autres inspirations lointaines qui surgissent de la mémoire, comme un cadeau ou un ver d’oreille obsédant. Le poème comme lieu de multilinguisme, les poètes du Maghreb et des Antilles me l’ont montré. Ces derniers temps, le multilinguisme a également acquis une valeur poétique en Allemagne, et cela est représenté par la jeune génération de poètes dont la fierté n’est plus de pratiquer la fidélité à une seule langue.

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Là où tu as ton corps (2004-2016)

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SEPT QUESTIONS A MIA LECOMTE 1/ Une autobiographie en quelques mots. Née à Milan, grandi en Suisse, et puis encore en Italie : Florence, Rome, et maintenant en Toscane, avec un pied à Paris… Deux mariages, trois enfants, beaucoup de chats et un sentiment permanent d’étrangeté : nationale, sociale, créaturale. Un handicap de l’identité, pourtant accompagné d’un amour imprudent de la vie. Bien résumé dans ces vers : « Debout entre l’arme pointée et sa cible / je mène une vie aisée ». 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Par une brusque réponse « Jamais ! ». Je ne voudrais pas prendre le risque de suggérer le chemin pour s’approcher de mon unique refuge, entrouvrir la porte du seul lieu où je suis capable d’exister… 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Le sens d’une distinction entre chant, aria et récitatif dans une pièce d’opéra. Il s’agit d’une question de fonctions et de durata. Mais ils partagent le même dessin musical global, le même langage soumis à la nécessité du rythme. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Le bénitier qui recueille l’eau du déluge. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La poésie persistera tant que persistera l’humanité, son exil intérieur, sa nostalgie d’une mémoire de beauté. C’est une évidence plutôt banale. Mais après ? Dans ces temps apocalyptiques et informatisés, on se demande quelquefois si la poésie peut exister au-delà de l’homme. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Brodsky a dit que les poètes, comme les oiseaux, sont identifiables par leurs chants. Il y a donc plutôt une « marque prosodique », une sorte de « destin » musical – biologique et culturel, lié à la chimie et aux émotions de la langue maternelle – dont on ne peut s’échapper. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Quels sont les confins d’une langue et à quel moment les dépasse-t-on ? À une époque de migrations globales, de transferts et d’échanges plurilingues, il faut repenser les langues comme une construction collective. Et le défi de la poésie consiste justement à toujours faire de sa propre langue une langue étrangère.

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La solitude de l'or

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SEPT QUESTIONS A ISSA MAKHLOUF 1/ Une autobiographie en quelques mots. Écrivain et poète libanais, Issa Makhlouf réside à Paris. Il soutient une thèse de doctorat en Anthropologie sociale et culturelle à l’Université de la Sorbonne. Il a publié plusieurs ouvrages aussi bien en poésie qu’en prose. Il a été Conseiller spécial des affaires sociales et culturelles à New York, dans le cadre de la soixante-et-unième session de l’Assemblée Générale des Nations Unis (2006-2007). En 2009, Issa Makhlouf a reçu le prix Max Jacob pour son livre Lettre aux deux sœurs. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » La poésie est une perception de la vie et du monde. La poésie est un transpercement. Un regard qui invalide le prédominant et que la langue emploie d’une manière particulière le faisant sortir du registre de l’usage quotidien si limité vers l’illimité. La poésie est un état difficile à décrire avec si peu de mots. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? La prose peut s’attarder et entrer dans les détails, tandis que la poésie repose sur la densité et l’allusion. Christian Bobin affirme que la lecture d’un roman peut prendre quelques heures alors que celle d’un poème dure toute une vie. Il y a cependant des pages dans la prose arabe, celles de certains mystiques notamment, pleines d’une poésie faisant parfois défaut à la poésie elle-même. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. La forme seule ne saurait définir la nature de la poésie. 5/ Quel avenir pour la poésie ? C’est aujourd’hui que le poème vit son avenir. Sorti de l’espace commun, il est plus marginalisé que jamais. Ce qui n’entre pas dans le moule de la consommation, ce qui ne se commercialise ni ne se vend, autrement dit, ce qui n’obéit pas à la loi de l’offre et de la demande, n’a pas sa place. Le sens culturel change à travers le monde, de même que le sens de la poésie. La culture est globalement perçue comme une marchandise dont la valeur est réduite à sa rentabilité matérielle. Cette direction impose de plus en plus ses lois sur les littératures, les arts, les connaissances et les critères esthétiques. Ceci a pour conséquence de rendre ceux qui détiennent le monopole de la culture et/ou de la littérature plus importants que les intellectuels et les écrivains. On parle beaucoup ces dernières années de la mort de la poésie. Peut-on cependant évoquer la mort de la poésie sans regarder les changements qu’a subi le monde depuis la seconde moitié du XXème siècle ? Ce qui a atteint d’autres champs de la création encore vivants aujourd’hui – avec des divergences bien sûr – ne diffère pas tellement de ce que vit la poésie. Peut-on par ailleurs ignorer le défi qu’impose le développement scientifique ? Peut-on faire fi des inventions technologiques qui incarnent certaines visions et donnent forme à l’intuition, devançant ainsi bien souvent les romans de science-fiction, allant même jusqu’à ouvrir devant le rêve de nouveaux horizons ? Le développement technologique et son impact ne devraient-ils donc pas être pris en considération dans le profond changement des sociétés et des relations humaines et environnementales ? Dans l’actuel tableau culturel, en Orient comme en Occident, la poésie n’est pas seule à bouger. Elle fait partie d’une mesure culturelle aux aspects changeants comme change la manière d’interagir avec elle, la façon de la considérer au sein même de la vie en tant qu’elle est un tout. En Occident, la poésie est réduite au minimum. Certaines sociétés comme la société française par exemple posent sur la poésie le même regard qu’elles posent sur la langue latine aujourd’hui révolue. Les festivals de poésie ayant lieu ici et là parfois sous couvert de bienfaisance ne signifient nullement que la poésie se porte bien. Dans le monde arabe, que signifie que l’on parle de poésie ? Et le fait d’en parler rend-il compte de sa présence ? Dans les médias arabes, la poésie n’est présente que parce que la plupart des responsables des pages cultuelles, à Beyrouth notamment, sont eux-mêmes des poètes. Pourtant, l’abondance des articles relatifs à la poésie et la couverture médiatique des poètes et de leurs livres ne veut pas dire pour autant que la poésie soit présente. La publication s’est éloignée de cet « étrange être » que si peu lisent et dont beaucoup de poètes eux-mêmes se détournent. Il se peut que la poésie trouve dans internet un nouveau souffle. Certains sites spécialisés dans la poésie peuvent à l’évidence jouer un rôle important pour les chercheurs arabes et occidentaux, mais ces sites s’apparent plus à un entrepôt poétique où toutes sortes de poésie cohabitent, la bonne comme la médiocre. Or ceci entrave parfois la recherche du poème. Dans l’accumulation quantitative et l’absence de critique, on peut craindre de voir se perdre les Bachiques d’Abou Nawwâs, L’épitre du pardon de Maarrî et La Divine Comédie de Dante… Jamais le poème n’a été aussi étranger qu’il ne l’est aujourd’hui. Pas seulement étranger à l’autre, mais aussi à lui-même. S’il sort de sa cachette, nul ne le reconnaît et il ne reconnaît personne. Cela ne concerne pas seulement le poème, mais toute la littérature de valeur, toute la création de valeur qui parce qu’elles sont en dehors du cercle économique, se retrouvent en dehors du petit écran, en dehors de l’espace social. Le recul de la valeur sociale de la littérature se répercute ainsi négativement sur les talents créatifs et sur l’écriture elle-même. « La voix de la poésie » est recouverte par cette autre voix que chante Sophocle depuis des âges profondément enfuis : « Ô enfant de l’espoir doré, parle… Ô voix de l’éternel ! ». 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Le poème est libre et n’obéit à aucun ordonnancement. Il est par essence contre toute entrave, toute capture. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. La traduction de la poésie, si difficile soit-elle, a réussi à faire connaître un grand nombre d’expériences poétiques de par le monde et de contribuer à l’interaction entre les poètes, leur ouvrant bien des perspectives.

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Le Nil des vivants

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L’Égypte, ses voisins. Le Caire, une ville ayant su se créer une arène entre les mâchoires du désert. Son fleuve surgit d’ailleurs, le Nil, toujours-là, serpente amicalement entre les bâtisses cairotes, disparaît parfois derrière une mosquée ou un cinéma, avant de reparaître pour de bon, antique camarade d’une procession à rebours des décades. Ses ruissellements nourriciers chargés de secrets, de destinées de femmes et d’hommes et des mystères des temps millénaires. Une époque ? Non, plusieurs. Au commencement, ou plutôt à la fin, deux romanciers, deux cousins qui ne se connaissent pas, mais se rappellent du même univers. Dans leurs livres, ils en récitent la beauté, les grandeurs et les mesquineries, les réussites et les travers. La racine de cette poétique douloureuse ? Un horizon qui reprend vie, réfracté d’une époque à l’autre. Des révolutions souhaitées, chantées, pleurées. Un monde, quelques continents se croisant au creux d’une vallée où des visages surgissent, des voix s’élèvent, des psaumes se déclament, des musiques dansent, des senteurs courent les rues… Oumm Koulthoum, Youcef Chahine, Tawfiq al-Hakim, Ahmad Shawqi, Cheikh Imam, Fouad Nagm, Soad Hosny et… prennent place au Café Isfet dans le quartier d’El Gamaliyya. Des amitiés brisées, tordues, survivantes, magnifiques. Des amours imprononcés, trop pensés, pas assez vécus. Des témoins bon enfant, joviaux, quoique fourbus. Et, au milieu de ce champ de superbes ruines, la vie, ses aspirations, des arts, leurs détours inattendus.

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Les figues s’ouvrent

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SEPT QUESTIONS A LASSE SÖDERBERG 1/ Une autobiographie en quelques mots. Une autobiographie en quelques mots ? Né à Stockholm en 1931, mort à ? en ? Entre ces deux dates : une vie. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. » Un verre d’eau : forme et fluidité. Contenant et contenu. Mirage sculpté. 3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ? Le livre que le lecteur tient entre mains contient des poèmes en prose, la distinction s’abolit. 4/ De la forme (et du formel) en temps de crise. Voir réponse 2. 5/ Quel avenir pour la poésie ? La clandestinité de nouveau . Retour aux catacombes, selon Breton. 6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème. Quand s’achève l´histoire s’achevera la poésie. 7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique. Depuis que j’écris je traduis. Je traduis plus que je n’écris.

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Les portes du poème,

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Les portes du poème, hommage à Habib Tengour Textes réunis et présentés par Regina Keil-Sagawe et Hervé Sanson Dessins de Hamid Tibouchi essai, apic éditions, Alger, novembre 2022. Les vingt-sept contributions ici rassemblées et superbement illustrées par Hamid Tibouchi – études critiques et textes de création – rendent hommage à une œuvre de premier plan dans les lettres algériennes et plus largement contemporaines, mais paradoxalement encore méconnue. Ce volume entend, à l’occasion du soixantième-quinzième anniversaire du poète Habib Tengour, inaugurer de nouvelles pistes de recherche quant à cette œuvre et permettre une plus juste appréhension de ses enjeux. Les hommages des pairs – poètes du monde entier – donnent à l’ouvrage une dimension affective, charnelle, et prolongent les analyses des chercheurs en ménageant des échos inattendus. « N’entre dans le poème que celui animé d’une intention droite ! », nous a avertis Tengour. LES PORTES DU POEME s’entrouvrent ainsi sur une des voix poétiques les plus importantes de sa génération (prix Dante en 2016, prix Benjamin Fondane en 2022, prix Dante Alighieri en 2023, pour l’ensemble de son œuvre). Regina Keil-Sagawe (Université de Heidelberg) est traductrice et chercheuse. Elle a traduit en allemand de nombreux auteurs maghrébins dont Habib Tengour, mais aussi Mohammed Dib et Driss Chraïbi, entre autres. Hervé Sanson, enseignant-chercheur (ITEM-CNRS), est spécialiste des littératures francophones du Maghreb. Ses auteurs de prédilection se nomment Habib Tengour, Mohammed Dib, Albert Memmi et Assia Djebar. Hamid Tibouchi est peintre et poète. Sa production plastique est protéiforme : peintures, dessins, gravures, estampes numériques, photos, livres d’artistes, livres-objets, décors de théâtre, vitraux, illustrations de livres et revues.

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